Dans la lettre ouverte, ci-dessous, adressée au Chef de l’État, un cadre de la société EDM-SA formule trois propositions dont la combinaison, espère-t-il, permettra, sans nul doute, de renforcer, à très court terme, la trésorerie de la société et, par conséquent, d’atténuer les difficultés actuelles de la société et d’améliorer la desserte.
Lettre ouverte à Son Excellence Monsieur le Président de la Transition
En ma qualité de cadre de la société d’Énergie du Mali (EDM-SA), société que nous chérissons tant, qui est à la fois le socle et le moteur du développement économique et industriel de notre pays, le devoir m’oblige à vous adresser cette note y afférente. Assister impuissant à l’agonie de notre entreprise commune à tous, constituerait, pour nous, un acte d’irresponsabilité.
En effet, depuis une décennie, la société EDM SA traverse une situation financière alarmante qui aurait même nécessité un dépôt de bilan, voire la cessation de ses activités. De 2012 à nos jours, EDM-SA a connu une dizaine de directeurs généraux, et le Département de l’Énergie, au moins cinq ministres ; soit en moyenne un directeur général par an et un ministre tous les deux ans. Cette situation n’est pas favorable à la conduite d’une stratégie, ou d’une politique énergétique précise et cohérente.
La situation financière et par conséquent, la desserte en électricité de l’industrie malienne, de milliers de petits artisans, en un mot de l’ensemble de la population malienne, se trouve compromise, hypothéquant au final les prévisions de croissance de l’économie.
Dans un tel contexte, notre silence serait irresponsable. C’est pourquoi je me vois dans l’obligation, de vous proposer mes pistes de solutions pour le bonheur de toute la nation.
Ainsi, les solutions que je vous propose aujourd’hui vont au-delà de la direction générale de la société. Elles nécessitent votre implication directe, l’implication de tout le gouvernement.
EDM SA est plombée par le poids de l’endettement (plus de 600 milliards de FCFA, dont plus de 300 milliards aux fournisseurs locaux). Cet endettement fait suite à la fois au mixte de production (trop forte dépendance aux énergies fossiles) et à la structure des prix qui n’est pas en phase avec la réalité économique.
En effet, le tarif moyen du kWh tourne autour de 105 F CFA pour un coût moyen de revient d’environ 150 FCFA. Soit en moyenne un déficit de 45 FCFA par kWh vendu. Avec une production brute de 2.860.248.840 kWh en 2022, le déficit pourrait être estimé à plus de 128 milliards de FCFA que les subventions de l’État ne sauraient soutenir durablement.
Cette production enregistre, depuis plus d’une décennie, une croissance moyenne annuelle de 10%. C’est pourquoi, le déficit de EDM ne peut et ne doit pas être soutenu par le budget de l’État ; d’où ce niveau d’endettement de la société.
En vue donc de sortir de ce cycle infernal insoutenable, il convient urgemment :
- De trouver les moyens de gérer la dette de la société, du moins la composante de dette intérieure. Cela permettra à la société de réassurer son réapprovisionnement dans des conditions beaucoup meilleures.
Pour cela, parallèlement aux initiatives déjà en cours par rapport au mixte énergétique (projets solaires et autres), je propose l’implication du ministère de l’Économie et des Finances dans la gestion de la dette de la société, à travers une collecte de fonds auprès de bailleurs à des taux concessionnels (voir du côté des fonds arabes), d’investisseurs institutionnels tels que certains organismes de sécurité sociale ou compagnies d’assurances. À défaut, sinon concomitamment, titriser la dette EDM par le Trésor public et l’étaler sur quelques années, à travers des négociations directes avec les fournisseurs les plus stratégiques. Cela permettra à la société de profiter de ses recettes de vente et d’améliorer son pouvoir de négociation et réadapter sa stratégie ;
- D’accélérer les projets d’interconnexion avec la Guinée et renforcer les projets de renforcement des lignes de transport (voir avec Eximbank ou les partenaires russes).
Cela permettra de profiter des surplus d’énergie dans d’autres pays aux moments où cela serait possible.
Au-delà de ces mesures, la principale piste reste et demeurera le levier tarifaire. En effet, le levier tarifaire offre encore certaines marges de manœuvre. La structure tarifaire de EDM est en retard sur celle de la sous-région ouest africaine.
Le prix moyen du kWh au Mali est resté figé depuis plus de dix ans malgré les fluctuations de prix du baril de pétrole et en plus, la structure tarifaire actuelle n’est pas adéquate. Elle offre peu de possibilités d’orientation de stratégies ciblées. Pourtant, compte tenu des conditions dans lesquelles la société produit, la politique tarifaire devrait permettre de répercuter ou de faire payer le coût réel du kWh par certains clients.
En effet, les structures hôtelières, les entreprises de service (téléphonie, banques, assurances et assimilées, structures de sécurité sociale), les ONG, les représentants des institutions internationales présentes au Mali (Banque mondiale, Fonds monétaires), représentations diplomatiques ne devraient bénéficier, ni directement ou indirectement, de transferts de ressources publiques. Par ailleurs, en plus de la subvention directe que l’Etat accorde sans avec peine à l’EDM, le fait de devoir refinancer, sous quelques autres formes que ce soit, le déficit de la société, revient indirectement à l’Etat à financer ces structures citées ci-dessus dont, je ne pense pas que cela soit ni l’intention de l’Etat ni un besoin ou une nécessité pour celles-ci. Je pense, très sincèrement, que ces structures n’ont que faire d’une subvention du tarif de l’électricité.
Pour remédier à cela tout en préservant la tranche sociale (revoir le seuil de cette tranche en la calibrant à 3 ampères au lieu de 5 ampères), il convient de réadapter la structure actuelle de la grille tarifaire ; ce qui va permettre d’améliorer substantiellement les revenus de la société. En plus, la nouvelle grille tarifaire doit tenir compte du coût des entretiens des infrastructures et des besoins d’extension et de réhabilitation du réseau de distribution qui est très vital, pour une bonne stratégie de distribution d’électricité, au vu de la mauvaise politique d’urbanisation.
La combinaison de ces trois facteurs permettra, sans nul doute, de renforcer à très court terme la trésorerie de la société et par conséquent d’atténuer les difficultés actuelles de la société et d’améliorer la situation actuelle de la desserte.
Mais pour le futur, il faudrait constituer, pour un moyen terme, un Fonds spécial d’investissement dédié au financement des infrastructures de croissance de la société. Le fonds sera domicilié auprès du Trésor public et alimenté par des prélèvements sur des opérations des miniers, sur les transferts d’argent des opérateurs téléphoniques et ou certaines transactions bancaires, une taxe spéciale sur le carburant, le surplus de la redevance de régulation, les appels à des donations et des apports directs de l’Etat.
Avec mes respectueux hommages, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma très haute considération.
Une contribution d’I.K